Trop souvent relégué au rang de « presse féminine », à prononcer avec un certain dédain dans l’expression, le magazine Elle voulait à sa création s’adresser à toutes les femmes, tout en restant sophistiqué. Magazine photo par excellence, la formule haut de gamme de Elle qui mêle littérature et information fait mouche auprès de son public depuis plus de soixante ans. Retour sur ce magazine mythique qui a su se tailler une part du marché sur un secteur particulièrement concurrentiel.
La story de Elle, le magazine féminin par excellence
Au-delà de la mode, le magazine Elle promeut un nouveau rôle pour la femme, « ni exclusivement féministe ni exclusivement branché » (Valérie Toranian, rédactrice en chef de ELLE en 2009) : une diversité qui en fait une force pour son public, une faiblesse pour ses détracteurs qui lui reprochent un certain manque d’engagement. Pourtant, à sa naissance après la Seconde Guerre mondiale en 1945, le magazine Elle est bien plus engagé et audacieux que ses concurrents de l’époque, Marie-France (ex Marie Claire) et Claudine, bien plus conservateurs, en osant représenter la femme sur un pied d’égalité avec l’homme. En se dégageant de la figure patriarcale, en proposant à son lectorat des modèles féminins émancipés ou occupant des emplois traditionnellement masculins, Elle s’inscrit dans une nouvelle mouvance pour ses lectrices au sortir de la guerre, qui viennent à peine d’avoir le droit de vote. Interviews, voyages, guides de l’actualité du moment et du style de l’époque se mêlent au fil des pages.
Mais l’engagement du magazine, sous l’égide de sa créatrice Hélène Gordon-Lazareff, ne s’arrête pas là : son équipe de rédaction est quasiment intégralement constituée de femmes, avec des femmes aux postes de direction, à une époque où on cantonnait celles-ci à la dactylographie. Les grands journaux d’informations de l’époque n’embauchaient en effet pas de femmes, ou bien à la pige ou au mieux, à la rubrique spectacle… Cette représentation du féminin dans l’équipe de rédaction permet une meilleure adéquation des sujets avec les lectrices, ce qui lui a valu son succès, en plus de la très forte personnalité de sa créatrice qui n’hésite pas à sélectionner des articles traitant de véritables préoccupations féminines et aller dans le sens de l’autonomie.
Pour rappel, ce n’est qu’en 1965 que la loi a modifié le régime matrimonial de 1804, permettant enfin aux femmes de gérer leurs biens elles-mêmes, d’ouvrir un compte en banque et de travailler sans avoir besoin de l’accord de leur mari. Le magazine ose mettre en avant ces femmes qui travaillent, à une époque où celles issues des classes ouvrières n’ont pas le choix et celles issues de la bourgeoisie s’en défendent… Bien loin des clichés sexistes dans lesquels on enferme aujourd’hui ces magazines dits féminins !
Elle déco, dédié à la décoration
Née en 1987, la branche décoration de Elle est un guide dédié à l’art de vivre chic, qui a pour but « d’imaginer la vie en mieux… Aimer le luxe des petits riens… S’inspirer d’ailleurs… Donner aux rêves une réalité » (Sylvie de Chirée, directrice de rédaction). Elle décoration, c’est plus de 8,5 millions de lectrices dans le monde en 27 éditions : c’est dire si la recette du magazine a du succès malgré la pression d’internet. Aujourd’hui encore, souscrire un abonnement au magazine Elle est toujours tendance : la version papier du magazine et de ses éditions filles Elle Déco et Elle à Table est toujours aussi prisée, notamment au travers de l’offre trio qui permet de recevoir les 3 magazines mensuels chez soi. L’édition du magazine Elle est particulièrement bien pensée, et ce depuis le début sous l’impulsion de sa créatrice originelle qui la voulait claire, aérée, centrée sur les photos et agréable à lire, marquant ainsi une opposition aux codes en vigueur en France à l’époque.
Le succès immédiat du magazine qui continue aujourd’hui est aussi dû à cette présentation haut de gamme, à la qualité du papier d’impression et à la beauté des mises en scène qui donne immédiatement envie de s’y plonger. Et ce sont des qualités d’autant plus importantes pour un magazine de décoration, où le visuel est extrêmement important : rien qu’à parcourir les images des yeux, sans même lire le texte, on est immédiatement plongé dans l’ambiance, on voyage, on a envie d’ailleurs. Reconnue à travers le monde, l’expertise déco de Elle en a fait un magazine de référence pour les designers, architectes et décorateurs d’intérieur à l’international, ce qui a même abouti à la création d’une récompense, le Elle Decoration International Design Awards.
Elle à table, dédié aux arts de la table
Autre domaine visuel, autre domaine à succès, Elle à Table est sorti en France en 1999 sous la plume d’une styliste culinaire, Nathalie le Foll, inspirée par la version allemande Elle Bistro en collaboration avec Guillaume Crouzet, alors chroniqueur gastronomique pour Le Monde. Elle à Table aurait pu ne jamais voir le jour : le magazine Elle sortait déjà des fiches cuisines, et sa rédactrice en chef pensait que la cuisine n’était pas à la mode… jusqu’à ce que la concurrence, Madame Figaro, sorte sa déclinaison cuisine. Les premières éditions de Elle à Table s’éloignent volontairement de la cuisine de chef et s’adressent à la cuisine de tous les jours.
En désacralisant la gastronomie, Elle à Table n’oublie pas son positionnement haut de gamme qui s’adresse à tous en proposant des recettes de tous les jours avec « le petit truc qui change tout » ! C’est ce qu’a fait Elle à Table en dépoussiérant littéralement le monde de l’édition culinaire en France, un coup de frais bienvenu surtout au niveau des photos qui se concentrent sur la lumière et la modernité. Et le meilleur ? Après les premières parutions, la concurrence a changé sa maquette…
En plus de 20 ans, le monde de la cuisine a énormément changé et le magazine s’est adapté. Les chefs gastronomiques d’aujourd’hui n’ont pas forcément connu leur mère devant les fourneaux, les émissions TV consacrées à la cuisine font un carton et les réseaux sociaux adorent plus que jamais le « fooding »… Elle à Table embraye sur la tendance toujours sur le ton ludique et direct, en proposant de magnifiques photos de mises en scène culinaires, des textes modernes et des recettes dans l’air du temps, adaptées au public et à l’époque. Cuisine pressée, cuisine soignée, cuisine du placard ou cuisine de soirée, le magazine parle d’art culinaire et de cuisine du fond du frigo comme il parle de décoration ou de mode, dans un langage clair et accessible à tous tout en conservant son ouverture sur d’autres cultures.
La presse féminine face à internet
Aujourd’hui, la presse papier doit relever un nouveau défi avec l’essor d’internet et des sites de mode, de déco ou d’art culinaire. Il semble plus facile de recevoir les news directement sur son smartphone, de scroller des listes infinies de jolies photos de fooding sur Instagram ou sur Pinterest. Mais est-ce que tout cela remplace vraiment la version papier ? Le toucher particulier du papier haut de gamme, l’odeur de l’encre d’impression, le fait de se poser dans un fauteuil avec son magazine sur les genoux et de tourner les pages a une saveur particulière qu’internet ne saurait tout à fait remplacer. Sans être forcément concurrentes, les versions dématérialisées et les versions papier se complètent bien dans le sens où elles ne sont pas forcément consultées par le même public ni au même moment.
La version online
Elle magazine, Elle déco et Elle à table sont tout de même disponibles en version dématérialisée : un bon magazine sait vivre avec son temps et évoluer avec son public. Les nouvelles habitudes des lecteurs n’ont donc pas échappé à la rédaction de Elle qui a vu dans cette tendance une opportunité de se développer et non une concurrence déloyale. En se réinventant, Elle magazine existe donc sur les deux fronts et il est plus que jamais positionné comme une référence dans son domaine au sein de la presse féminine.
Pour donner une valeur ajoutée à sa version online tout en conservant la publicité, Elle lui réserve par exemple les versions longues des interviews, parfois coupées pour des raisons de nombre de pages maximal dans l’édition papier. L’accès aux contenus est illimité et le nouveau numéro dématérialisé paraît tous les vendredis, accompagné d’une newsletter réservée aux abonnés qui sélectionne les articles marquants de cette édition.
Mais la version mobile de Elle, c’est aussi celle qu’on lit à l’arrêt de bus, dans le métro, à la pause déjeuner au travail entre un sandwich et un yaourt, bref dès qu’on a cinq minutes à tuer et qu’on n’a pas à emporter son magazine avec soi. La lecture d’un magazine papier demande en effet de se poser tranquillement et de sortir son hebdo, voire de… couper son téléphone ! Une pause pourtant bienvenue à laquelle peu d’entre nous se laissent véritablement aller pendant la journée ou en semaine. Lire un magazine papier, c’est plutôt synonyme de salle d’attente chez le coiffeur ou chez le médecin, ou chez soi confortablement calé dans son coin lecture cocooning.
Les blogs et sites gratuits spécialisés
L’autre défi de la presse féminine d’aujourd’hui, c’est l’offre gratuite qui s’étend sur internet. Blogs culinaires, chaînes vidéo consacrées à la décoration, les sources d’information gratuites des influenceurs des réseaux sociaux et autres blogueurs pourraient être vus comme de la concurrence aux magazines papier. Pourtant là encore, ce n’est pas forcément le cas : le public friand des vidéos d’influenceurs mode et des tutos beauté sur Tiktok n’est pas forcément celui qui va passer du temps à lire l’interview d’un designer de haute couture.
En revanche, les magazines féminins s’ouvrent de leur côté à ces nouvelles stars du web qui s’intéressent au design et à la déco, starlettes de la cosmétique ou tout simplement de l’art de vivre en les invitant à raconter leur expérience au fil de leurs pages. De cette manière, les femmes qui luttent contre la grossophobie, qui s’engagent pour le body positive et l’inclusion deviennent les nouvelles égéries qui « osent », comme osaient ces femmes occupant un métier d’homme dans les années 50 mises en avant par Elle.
Les influenceurs ainsi légitimés par un article dans Elle magazine ou Elle à Table bénéficient d’une aura renforcée d’expertise et de référence, ce qui en fait des domaines complémentaires et non concurrents. Collaborations entre influenceurs et marques de beauté, rédaction d’articles et interviews de figures féminines fortes sur les réseaux sociaux, les compétences sont transverses et non contradictoires. Le succès mondial du magazine, grandissant malgré l’essor toujours plus important des influenceurs beauté et autres Instagrammeurs est là pour le prouver !
Conclusion
Aujourd’hui, s’abonner à un magazine et a fortiori à la presse féminine n’a rien de ringard. L’histoire du magazine Elle le prouve bien : loin des clichés de genre auxquels on peut s’attendre dans ce domaine « par les femmes, pour les femmes », il propose une image de la femme en accord avec son temps, contemporaine et émancipée. Forte de l’audace féminine -presque féministe- qui a caractérisé ses premières éditions, Elle n’a cessé de se réinventer pour devenir le magazine au succès international qu’il est aujourd’hui, véritable icône de la presse féminine et référence en matière de design et de décoration. À offrir ou pour s’offrir, un abonnement à un hebdomadaire de qualité comme Elle déco, Elle à Table ou Elle magazine, c’est s’accorder une pause bien-être dans le stress du quotidien, une nourriture des yeux et de l’esprit qui laisse une impression durable bien après sa lecture. Au contraire des publications web qui nous sollicitent de toutes parts et nous bombardent sans cesse de nouveautés tout aussi éphémères les unes que les autres, aussitôt vues aussitôt oubliées, le plaisir de la lecture papier a tendance à marquer plus durablement. Apprécier les reportages photo qui font rêver ou qui dénoncent, des sujets d’actualité entre littérature et information, découvrir de nouveaux auteurs, des combats de femmes du monde, des tendances à venir ou simplement s’inspirer pour repenser son quotidien et s’ouvrir au monde, c’est tout ce que propose le magazine Elle !