Chaque année, quand l’automne arrive, on pense souvent aux oiseaux migrateurs qui s’envolent vers le sud. Mais un ballet bien plus discret, souvent ignoré, se joue aussi dans nos jardins, nos campagnes et au-dessus de nos têtes : celui des insectes migrateurs. Eh oui, contrairement à ce que l’on croit, certains insectes ne passent pas tout l’hiver cachés sous les feuilles mortes. Certains prennent carrément la route, ou plutôt les airs, en quête de chaleur. Parmi eux : le papillon Vulcain, certaines libellules et une foule d’autres petites bêtes aussi étonnantes que discrètes.
Le surprenant périple du papillon Vulcain, un grand voyageur aux ailes de velours
Le Vulcain (Vanessa atalanta) est sans doute le plus célèbre de ces migrateurs ailés, même si on le confond souvent avec d’autres papillons de jardin. Avec ses ailes noires bordées de rouge et de taches blanches, il est à la fois élégant et robuste. Ce papillon commence sa migration dès la fin de l’été, remontant depuis l’Europe du Nord vers le Sud, parfois jusqu’en Afrique du Nord. Une distance qui peut atteindre plusieurs milliers de kilomètres !
Fait étonnant : tous les individus ne migrent pas. Certains choisissent de tenter leur chance sur place, en espérant survivre à l’hiver. D’autres, souvent les plus jeunes, prennent leur envol dès que les températures baissent. C’est un peu leur instinct de survie qui les guide, bien plus que la météo.
À observer : Si vous avez des asters ou des buddleias (arbustes à papillons) dans votre jardin, vous avez de grandes chances de les apercevoir en train de se ravitailler avant le grand départ.
Le voyage des libellules, ces acrobates du ciel
On imagine souvent les libellules clouées au paysage des étangs d’été. Et pourtant, certaines espèces comme l’Anax empereur ou l’Anax parthenope migrent elles aussi vers des contrées plus douces. Leur migration est bien moins documentée que celle des oiseaux ou des papillons, mais elle existe bel et bien.
Leur vol est puissant, précis, presque militaire, ce qui leur permet de couvrir de longues distances. Des études menées en Europe ont montré que certaines libellules peuvent migrer sur plusieurs centaines de kilomètres. Elles suivent parfois les mêmes couloirs migratoires que les oiseaux !
Petit conseil : Près des zones humides, à la fin de l’été, restez attentif aux essaims de libellules qui semblent voler de façon plus soutenue et orientée : ce sont peut-être des migratrices en route vers le Sud.
Le ballet silencieux des syrphes, ces fausses abeilles très utiles
Les syrphes sont ces petites mouches au vol stationnaire, souvent rayées comme des guêpes, mais totalement inoffensives. On les confond souvent avec des abeilles à cause de leur couleur, mais elles n’ont ni dard ni piqûre.
Certaines espèces de syrphes, comme Episyrphus balteatus, migrent en masse à l’automne, parfois par millions ! Ces insectes remontent ou descendent l’Europe selon les saisons, et sont d’excellents pollinisateurs, parfois même plus efficaces que les abeilles.
C’est important pour le jardin!
Les larves de syrphes se nourrissent de pucerons, ce qui en fait d’excellents auxiliaires pour protéger vos cultures. En accueillant les adultes avec des fleurs riches en nectar (comme les phacélies, les cosmos ou le lierre en fleurs), vous participez à leur cycle de vie et à la régulation naturelle des parasites.
Le long voyage de certaines coccinelles, petites nomades à pois rouges
Eh oui, les coccinelles aussi peuvent migrer ! Certaines espèces, notamment la coccinelle asiatique (Harmonia axyridis), effectuent des mouvements migratoires en automne. Leur objectif : trouver des lieux où passer l’hiver à l’abri, souvent en groupe, sous les écorces, dans les fissures de murs, ou chez vous !
Le bon geste : Plutôt que de les chasser si elles entrent dans la maison, installez à l’extérieur des abris spécifiques (petits fagots de bois sec, briques creuses) dans un coin calme du jardin.
Les punaises migratrices, un phénomène plus fréquent qu’on ne le pense
Certaines punaises, comme la punaise diabolique (Halyomorpha halys), bien que peu appréciée, effectuent également des migrations saisonnières. Originaire d’Asie, cette espèce invasive s’installe dans nos régions tempérées et cherche à l’automne des lieux protégés où hiverner.
Mais d’autres espèces locales, moins connues, migrent elles aussi à la recherche de meilleures conditions de vie. Elles utilisent les haies, les friches, et même les jardins pour faire une pause dans leur voyage.
Astuce: En laissant quelques zones « en friche contrôlée » dans votre jardin (herbes hautes, tas de bois), vous offrez des haltes à ces petits voyageurs.
Les papillons de nuit migrateurs, discrets mais actifs même après le coucher du soleil
On les voit peu car ils volent quand tout le monde dort : les papillons de nuit migrateurs, comme Autographa gamma (la Gamma), effectuent des migrations massives en automne. Ils peuvent couvrir plusieurs centaines de kilomètres grâce à des vents favorables.
Ces papillons jouent un rôle crucial dans la pollinisation nocturne de certaines plantes, et leurs chenilles nourrissent de nombreux oiseaux insectivores.
À savoir : Si vous laissez la lumière extérieure allumée le soir, vous pourriez observer ces papillons migrateurs s’y poser. C’est aussi une occasion de découvrir la diversité nocturne de votre coin de verdure !
Les demoiselles et autres odonates, des migratrices plus discrètes que les libellules
Les demoiselles (ou zygoptères), cousines plus fines des libellules, sont elles aussi capables de migrer. Leur vol est moins puissant que celui des grandes libellules, mais certaines espèces effectuent de courtes migrations locales pour fuir le froid.
Elles cherchent des points d’eau plus favorables à la reproduction ou des zones humides temporaires.
Ce qu’on peut faire : Créer une petite mare ou un point d’eau dans le jardin, même très simple, peut devenir un refuge pour ces demoiselles en transit.
Des mouches aux longs trajets et des coléoptères en déplacement
Certaines mouches floricoles, bien que minuscules, migrent aussi en automne, attirées par les fleurs encore en floraison. Elles jouent un rôle complémentaire aux abeilles et papillons dans la pollinisation tardive.
Quelques coléoptères, comme les scarabées du genre Cetonia, peuvent également se déplacer à la recherche de nouvelles zones riches en compost ou en matière organique pour pondre. Ce coléoptère élégant est un as du recyclage : ses larves se nourrissent de matières organiques en décomposition (feuilles mortes, vieux bois, terreau, compost).
À faire au potager : Ne jetez pas tout votre compost à la déchèterie ! Un petit tas de compost ou de fumier bien placé peut abriter ces coléoptères utiles au recyclage de la matière organique.
Insectes migrateurs d’automne: comment les accueillir ?
Insecte | Particularité | Plantes ou éléments utiles au jardin |
Papillon Vulcain | Migration Europe vers Afrique du Nord | Buddleia, asters, sédum |
Libellules | Long vol puissant, suivent les oiseaux | Mare, zone humide, roseaux |
Syrphes | Imitent les abeilles, pollinisateurs efficaces | Phacélie, cosmos, lierre en fleurs |
Coccinelles | Se regroupent pour hiverner | Tas de bois, hôtels à insectes |
Punaises | Certaines espèces envahissent les maisons | Haies variées, murs de pierres sèches |
Papillons de nuit | Vol nocturne, migration par le vent | Lumières extérieures, végétation diverse |
Demoiselles | Vol gracile, migrations locales | Petits bassins, fougères, plantes aquatiques |
Mouches floricoles | Pollinisateurs de secours | Fleurs simples à floraison tardive |
Scarabées | Aident au compostage, se déplacent à l’automne | Tas de compost, paillis, bois mort |
Le rôle précieux des jardins et balcons dans cette grande transhumance aérienne
Si vous êtes passionné(e) de jardinage, sachez que vous pouvez jouer un rôle de premier plan dans cette formidable migration silencieuse. Les plantes nectarifères (asters, sauges, sédums, lierres en fleurs…) sont des stations-service naturelles pour les insectes fatigués par le voyage. Offrir ces oasis de nectar, c’est soutenir concrètement la biodiversité migrante.
Et ce n’est pas tout : en laissant certaines plantes monter en graines, en conservant quelques zones « sauvages » au jardin, vous permettez aussi aux insectes de se reposer, de se reproduire, voire même de rester si l’hiver est doux.
👉 Idées à tester :
Astuce jardinage | Pourquoi c’est utile en automne |
Laisser fleurir le lierre | Source de nectar tardif pour papillons et abeilles |
Installer un hôtel à insectes | Abri pour les non-migrateurs qui hivernent |
Créer une haie mixte (aubépine, cornouiller, noisetier…) | Halte idéale pour insectes et oiseaux |
Ne pas tailler trop tôt les vivaces | Les tiges creuses servent d’abri à de nombreux insectes |
Réduire la tonte en septembre-octobre | Favorise les floraisons spontanées utiles aux pollinisateurs |
Une migration discrète mais essentielle pour l’équilibre naturel
Ce que ces migrations d’insectes nous rappellent, c’est que la nature est bien plus mouvante qu’elle n’en a l’air. Ce va-et-vient saisonnier, invisible à l’œil distrait, est pourtant vital pour l’équilibre de nos écosystèmes. Ces insectes transportent du pollen, régulent certaines populations de ravageurs, nourrissent oiseaux et chauves-souris en route… En bref, ils font tourner la grande roue de la vie, même en automne !
Alors, la prochaine fois que vous voyez un papillon s’attarder sur une fleur d’automne, ou une libellule filer droit vers l’horizon, dites-vous qu’il ne s’agit pas d’un simple hasard. C’est peut-être une étape d’un périple impressionnant, auquel vous avez contribué, même sans le savoir.
Et maintenant ? Ouvrez l’œil et ouvrez votre jardin !
Amateurs de biodiversité, amoureux des plantes et bricoleurs du dimanche : votre terrain de jeu est bien plus qu’un simple coin de verdure. C’est un carrefour vivant pour des milliers de passagers ailés. Alors, pourquoi ne pas installer une petite mare, semer des fleurs tardives, ou tout simplement observer davantage ce qui vole en septembre ?
Les migrations d’insectes sont là, juste sous notre nez. Et si on apprenait à les accompagner, pas à pas… ou plutôt, battement d’aile après battement d’aile ?